samedi 1 mai 2010

Keiki - Waltham Holy Cross


Keiki, pour moi, c’est une histoire à l’envers. Ou plutôt une histoire de trucs qui tournent à l’envers. Keiki, j’ai découvert via l’autre projet de sa Dominique de chanteuse : BabyFire croisé en live il y a quelques semaines à Bruxelles. Ce soir-là, ayant allègrement dépassé la frontière raisonnable des trois gin tonic par apéro, je me permis après le concert d’apostropher ladite Dominique, armé d’un compliment aussi sincère que maladroitement énoncé : « Puisque tu as une super voix, pourquoi est-ce que tu ne l’utilises pas ? »

Ou comment mettre les pieds dans le plat quand le cerveau et la langue baignent encore dans une flaque de Schwepp’s amélioré et que les iris lorgnent méchamment sur l’intérieur des paupières. Mais manifestement, Dominique n’est pas du genre à se vexer ou à courir derrière les éloges courtois, creux et insipides. Maladresse n’est pas affront, même si en reprenant mon train ce soir-là, je me sentais particulièrement malotru, une sorte de grossier merle donneur de leçons parfumé au London Dry.

Quelques semaines plus tard, Keiki se produisait sur la scène du Magasin 4. Hasard du calendrier, il fallait de nouveau que j’arrive sur place avec quelques bières et une demi-bouteille de pinard derrière la cravate. Après un concert intense et impeccable, je vais m’acheter l’album et en profite pour dire à Dominique tout le bien que j’en ai pensé… mais ne peut m’empêcher d’adresser une nouvelle critique, cette fois à l’égard d’une reprise de Black Sabbath qui ne me semblait pas être le meilleur choix.


Rustre : adj. Du latin « rusticus », rustique ; de « rus », la campagne. Qui est très rustique, très grossier. Se dit d’une personne qui manque d’éducation.

Ultime épisode de cette trilogie de la vulgarité passée en marche arrière (le side project, le concert, puis seulement le disque) : l’écoute de Waltham Holy Cross, le deuxième album du duo bruxellois. Les 17 chansons sont ici présentées comme de la pop satanique. Une rapide recherche m’apprend que la pop satanique trouve ses origines dans la musique des Beatles, dont les messages subliminaux qui n’étaient perceptibles qu’en passant les disques à l’envers invoqueraient la parole de Belzébuth lui-même. Charles Manson s’en serait même inspiré pour perpétrer ses crimes sanguinolents.

L’honnêteté me pousse à avouer que je n’ai pas fait l’effort de passer l’album de Keiki à l’envers pour vérifier s’il dissimulait des discours de Daniel Ducarme ou des interviews de Justine Hénin. Mais à l’endroit en tout cas, c’est déjà renversant. Difficile de ne pas rapprocher le timbre de Dominique à celui de PJ Harvey (ou même à celui de Tori Amos, mais c’est peut-être la couleur de cheveux qui fait ça). Ses textes toisent une guitare qui passe du rock au ROCK et puis au ROCK, et sautillent au son d’une boîte à rythmes synthétique. Moi, personnellement, j'ai une petite préférence pour le titre Vital.

Alors, vraiment satanique la pop de Keiki ? Oui, si Satan vient de Mars, parce que moi, cette musique, je la qualifierais plutôt d’extraterrestre. Mais c’est peut-être l’effet du Theremin, cet engin diabolique (ah, nous y voilà !) qui rappelle le bruit des soucoupes volantes des films de série Z en noir et blanc. Tu te souviens, ces assiettes en porcelaine où on voyait encore les fils qui les faisaient tourner en rond quand étaient censés débarquer les Aliens ?

Conclusion : une trilogie peut-elle avoir un quatrième épisode ? Oui, ça s’appelle un épilogue, me souffle-t-on dans l’oreillette. Verdict hier soir, puisque Keiki avait l’immense honneur d’ouvrir pour Enablers. J’y croise Dominique et lui annonce que j’ai écouté l’album, ponctuant ma phrase d’un silence marqué.

Et alors ?

J’ai beaucoup aimé.

De l’avantage d’être à jeun de temps en temps.  

A regarder : Ironing Man
 



A regarder : une leçon de Theremin



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