dimanche 14 février 2010

Depuis que je n'aime plus le gris

Je n’aurais jamais cru devoir en arriver là. Mais c’est un fait, la réalité m’est violemment apparue ce matin : je n’aime plus le gris. Pourtant, jusque là, le gris était ma couleur préférée. Au même titre que le vert, le bleu et le noir. En mélangeant ces quatre couleurs, on obtenait ma couleur préférée.

Plus maintenant.

Plus depuis cette espèce de chape grise qui nous écrase depuis deux mois. Le ciel est gris, le sol est gris, la neige est grise. J’en ai marre de tout ce gris. Ce voile épais m’exaspère. Ce brouillard à moitié opaque m’assomme de jour en jour. Je lève la tête et une sorte de fumée de cigarette lourde et grasse s’abat sur moi, m’écrase la tête et les épaules.

Le gris, je l’aimais bien parce qu’il contrastait avec les autres couleurs. Au milieu d’un monde dominé par le rouge, le vert, le jaune et le bleu, le gris permettait de marquer une rupture, d’affirmer son originalité, de réfuter un discours chromocentrique majoritaire. Mais à quoi bon sortir ses gants gris, son écharpe grise, son manteau gris si, dehors, tout est déjà gris ? Ce ton sur ton de gris est insupportable. C’est comme se faire avaler tout cru par un monstrueux pachyderme bouffeur de planètes. Même les carrés d’asphalte qui apparaissent ça et là entre deux plaques de neige ont un plus bel éclat que cet air ambiant, triste et pesant. L’élément le plus coloré du décor aujourd’hui, c’était un chat écrasé sur le bord de la route.

Le gris, avant, c’était comme une paire de lunettes de soleil, un moyen de se protéger contre les agressions de l’extérieur. Et voilà que le gris devient à son tour agresseur. En plus, le gris, si on en abuse, ça déteint, c’est contagieux. Les mines deviennent grises, les pupilles, les joues, les cheveux, les dents. C’est l’impérialisme du gris. Une pandémie bien plus dangereuse que la grippe mexicaine. Pire que le retour de la lèpre. Qui peut encore prétendre ne pas avoir été contaminé ?

Je n’aurais jamais cru devoir en arriver là, mais la vérité a fait son chemin : j’ai besoin de soleil. Ça me crève de l’avouer, mais la lumière me manque. Le noir et blanc, je n’en peux plus : j’ai envie de couleurs chatoyantes. Il me faut un bout de ciel bleu de toute urgence. Et plus vite que ça, bordel ! Des rouges vifs, des jaunes aveuglants, des verts éclatants et des bleus pétillants. La température, je m’en tape. J’exige juste de la clarté à la place de la brume délavée. Le premier rayon de soleil sera le meilleur, nous débarquerons en masse sur les terrasses et tant pis si nous devrons garder nos moufles pour déguster un Ricard ou une sangria. Mais on le fera, les gars. On célèbrera le retour du printemps comme jamais. On brûlera nos pelles à neige, on recommencera à mettre plus de sel dans nos pâtes que sur nos trottoirs gelés.

On fêtera Ra, le dieu soleil. Quand il daignera revenir.
L’euphorie durera quelques temps. Le temps de s’habituer à ce nouvel environnement coloré.

Ensuite, je le sais, je recommencerai à apprécier le gris, parce qu’on ne se débarrasse pas aussi facilement d’un caractère aussi profondément ancré. Mais là, aujourd’hui, en cet instant précis, le gris, je n’en veux plus. Casse-toi, le gris.

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