mercredi 25 juin 2008

Paul Auster – The Inner Life of Martin Frost



Mardi dernier, Paul Auster, THE Paul Auster, était de passage à Bruxelles pour présenter son nouveau film, ainsi que son dernier bouquin. La Cinémathèque royale avait eu la succulente idée d’inviter l’auteur pour une soirée spéciale au Bozart. Au programme : un peu moins d’une heure de discussion entre Polo et une journaliste, suivie de la projection de The Inner Life of Martin Frost, quatrième film estampillé Paul Auster après Smoke, Blue In The Face et Lulu On The Bridge, même si pour les deux premiers, ce n’était pas lui qui était derrière la caméra.

Je ne pouvais évidemment pas passer à côté de cet événement.

Première partie : l’entretien.
En deux secondes et six centièmes, Paul Auster balaye d’un revers de la main le doute que Thierry Coljon avait semé dans mon cœur fragile : il a bel et bien plus de conversation que ce que le titre « Paul Auster : j’ai honte de ce que Bush a fait » laissait penser. Ouf, je respire. Une interview, même de l’auteur de la trilogie new-yorkaise, n’est parfois que le reflet de la profondeur d’esprit de celui qui pose les questions. Pour le même prix, on aurait pu avoir « Je suis contre le SIDA », « La guerre, c’est mal » ou « J’adore les frites ».

L’église replantée au milieu du village, on peut enfin parler films et bouquins entre adultes, hocher la tête en se caressant le menton, sourire quand le voisin rit à gorge déployée, grincer des dents quand le même voisin applaudit une demi-vanne.

On apprend donc que Paul Auster se promène toujours avec un stylo mais sans carnet, qu’il note ses idées sur un paquet de cigares hollandais, qu’il écrit ses livres comme on les lit, c’est-à-dire en assemblant les pièces éparpillées d’un puzzle. Ses premiers souvenirs littéraires remontent à ses huit ans et il n’a pas de préférence entre écrire un livre ou réaliser un film. Cool…

Devant une foule ahurie, la journaliste pose des questions sur l’œuvre d’Hector Mann, le personnage central du Livre des Illusions et frôle le ridicule en demandant à Paul Auster s’il a vraiment vu les films de Mann. « Hector Mann doesn’t exist. I made him up. » Oups, la boulette. A sa place, j’aurais quitté la scène en larmes.

Seconde partie : le film.
Smoke se basait sur le conte Augie Wren’s Christmas Story, une commande du New York Times. The Inner Life of Martin Frost repose sur un chapitre du Livre des Illusions. Paul Auster le décrit comme un film bizarre, « the story of a guy who writes stories about a guy who writes stories.” Et résume sa motivation d’écrivain-cinéaste en une seule phrase, très juste : “Stories don’t kill you”.

Huis clos tourné pour une poignée de dollars, monté avec une voix off, The Inner Life of Martin Frost raconte les errements d’un écrivain parti s’isoler dans une maison de campagne pour retrouver l’inspiration. Il se réveille un matin avec une inconnue dans son lit, dont il va rapidement tomber amoureux malgré un premier contact assez rugueux.

Voilà pour le décor. On est assez loin du quasi documentaire des fresques new-yorkaises qu’étaient Smoke et Blue In The Face. On se trouve au contraire dans un registre qui me plait moins chez Paul Auster, celui de l’écrivain qui raconte l’écrivain, de l’inspiration qui s’écrit à la première personne.

J’y suis allé avec plusieurs amis, dont les avis après la projection étaient assez contrastés : soit on a adoré, soit on trouvé ça mou du genou… ce qui est mon cas. C’est plein d’humour et c’est vrai qu’on se marre bien par moments, mais dans l’ensemble, j’ai quand même regardé trois fois ma montre. C’est un signe qui ne trompe pas : je me suis un peu fait chier. Ce n’est pas carrément nul non plus, mais comparé à ce que j’avais ressenti en lisant Leviathan ou Mr. Vertigo, ou en regardant Smoke ou Lulu, ici je suis resté sur ma faim.

Mais bon, je ne vais pas bouder mon plaisir quand même : j’ai vu Paul Auster (de loin) et rien que ça, c’est la certitude d’une très bonne soirée que je n’oublierai jamais. J’ai snobé la séance de dédicaces parce que ce n’est pas mon truc et qu’il y a avait trop de monde. Je me dis que s’il y a un Dieu, un jour, j’entrerai chez un disquaire et je tomberai nez à nez avec Polo qui me demandera ce que je pense de 31knots ou David Bowie. Je lui répondrai : « Pépère, je t’invite à becter parce qu’on a des choses à se raconter tous les deux. »

Regarder la bande-annonce :

Aucun commentaire: