jeudi 13 mars 2008

iLiKETRAiNS – Elegies To Lessons Learnt

Tchou tchou

J’écris ce billet dans le train qui m’emmène de Nivelles à la Gare du Nord. Le même train, chaque matin, depuis bientôt deux ans. Le même train le soir, dans le sens inverse. Chaque jour, j’y croise ces mêmes visages anonymes, j’y surprends des bribes de conversations qui me permettent chaque semaine de suivre la vie de quelques passagers de la SNCB. Certains sont tellement fidèles à leurs horaires et tellement bavards que je pourrais sans problème rédiger leur biographie de ces dix-huit derniers mois.

Le matin, je partage le wagon avec un jeune couple qui s’impatiente de pouvoir enfin s’installer dans une maison dont la construction s’éternise. Il y a aussi ceux que j’ai appelés les Quatre Fantastiques, gros, luisants et mal rasés, la chemise à carreaux mal boutonnée, qui commentent l’actualité en lisant la DH : « Yves Leterme ? Se fout de notre gueule ! Anderlecht ? Se fout de notre gueule ! La météo ? Se fout de notre gueule ! » Il y a également la petite qui ressemble à une coiffeuse et qui lit des bouquins en Chinois, ou en Japonais… enfin… une langue qui se dessine. Ceux-là, je les connais par cœur depuis que j’ai changé de wagon parce que j’en avais marre des Desperate Housewives qui me rabâchaient les oreilles avec les difficultés scolaires de leurs chéris à prénoms composés.

Oui, j’aime les trains parce que je leur trouve quelque chose de poétique que n’ont ni les métros, ni les autobus et encore moins les voitures. En train, on s’égare dans ses pensées en regardant défiler le paysage brabançon. En quelques minutes, on passe des champs de Lillois-Witterzée aux lotissements Thomas & Piron de Braine-l’Alleud. Encore quelques lignes de David Lodge, une demi chanson d'iLiKETRAiNS et voilà déjà les moulins de Ruisbroek.

C’est une sensation que connaissent sans doute les Anglais d’iLiKETRAiNS, même s’ils n’ont jamais emprunté la dorsale wallonne. Eux aussi, à leur façon, ont dû un jour ou l’autre ressentir les mêmes frissons en dévalant sur la voie ferrée. Mais ce que m’inspire leur musique, c’est l’autre facette du chemin de fer, le revers de la médaille, la face sombre de la lune vicinale : les grèves sauvages, les attentes interminables sur un quai gelé, les retards chroniques, le contrôleur qui vacille et qui sent le Ricard, le voisin de siège qui écoute Gwen Stefani sur son téléphone portable, une chiotte bouchée en queue de wagon, l’annonceur qui vous apprend que votre train a changé de voie, l’odeur d’urine dans les aubettes, le tag Tous des fisse de puttes sur la porte, l’incident technique, la rupture de caténaire, le déraillement, l’erreur humaine, le chauffeur qui ne peut éviter la voiture bloquée entre les barrières du passage à niveau, la jeune mère de famille suicidaire qui a décidé d’en terminer, la gamine imprudente qui ramasse son ballon tombé sur la voie.

Stop.

Le train, c’est aussi ça. iLikeTrains nous le rappelle à chaque chanson de ce premier album sorti à la fin de l’année dernière. Un disque de pop amère, à l'ambiance presque gothique, où la voix grave pourrait rappeler The National ou Tindersticks, et qui sort l’artillerie lourde pour nous plonger dans une déprime noire. M. Prozac et Mme Xanax se frottent les mains.

A regarder : la terrifiante vidéo de We Go Hunting



Les liens intéressants:
Le site officiel: www.iliketrains.co.uk/
iLiKETRAiNS sera en concert le 19 avril au festival Polsslag.

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